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Avis aux amateurs de thés et d’infusions! J’ai trouvé une visite qui devrait vous plaire. Dans cet article, on va bien sûr parler de rooibos, mais aussi de buchu, une autre plante médicinale endémique d’Afrique du Sud. Nous allons voir comment ces plantes passent des champs à nos tasses, le tout sans utilisation de produits chimiques. Je vous raconte donc cette belle découverte…
Pourquoi mon choix s’est arrêté sur la ferme de Skimmelberg?
Il existe une petite dizaine d’exploitations de rooibos dans la région du Cederberg, la seule région au monde où pousse le rooibos. Certaines sont isolées dans les montagnes, d’autres sont très difficiles d’accès, d’autres encore n’ont pas de site Internet. Autant dire qu’une visite d’exploitation de rooibos ne tombe pas du ciel.
Après des heures de recherche sur Internet, j’ai trouvé deux exploitations proposant des visites guidées aux curieux souhaitant découvrir leur savoir-faire. La première, Carmien, est la ferme la plus proche du Cap et se focalise uniquement sur le rooibos. La seconde, moins connue, est la ferme de Skimmelberg. Cette dernière est certifiée biologique et produit à la fois du rooibos et du buchu. Sans hésiter longtemps, j’ai opté pour la visite de Skimmelberg.
Il faut savoir que seulement 4 ou 5 fermes du coin produisent du buchu, souvent en très petite quantité et en activité secondaire. Skimmelberg est la seule ferme à se spécialiser dans la culture du buchu et l’étude de ses bienfaits. C’est donc l’endroit parfait pour en apprendre plus sur cette plante encore mal connue qui risque de beaucoup faire parler d’elle dans les prochaines années.
Comment organiser sa visite?
Rien de plus simple. Il suffit d’envoyer un email à la ferme en leur indiquant la date et l’heure à laquelle on souhaite venir ainsi que le nombre de participants. Pas besoin d’être un groupe. Lors de ma visite, j’étais venue seule et j’ai constitué un groupe avec deux autres touristes venues de Mossel Bay.
La visite en elle-même dure 2 heures et coûte 220 rands (environ 11€) par personne. Cela inclut un tour complet de la ferme avec un guide ainsi qu’une dégustation de 7 différentes infusions à la fin de la visite.
Important! Il faut comprendre l’anglais ou l’afrikaans (un langue similaire au flamand). La guide parle ces deux langues couramment mais pas du tout français.
Contactez Skimmelberg pour organiser votre visite
Comment se déroule la visite?
Lors de ma visite, nous étions seulement 3 visiteurs car c’était la fin de l’hiver et les frontières sud-africaines étaient encore fermées (pour une fois, merci la Covid-19).
La guide nous a fait monter dans un minibus pour nous emmener voir les différents lieux stratégiques de la ferme. J’ai cru que le bus n’allait jamais démarrer, mais passons.
Champ de buchu
Pour commencer, on a fait connaissance avec le buchu, le produit phare de Skimmelberg qui se consomme en infusion ou en huile essentielle. J’avais beau boire régulièrement du buchu, je n’avais aucune idée de la taille et de la forme de cette plante.
En soit, le buchu est un petit buisson, comme un mini buis qui arrive au genou. Difficile d’imaginer que ce buisson si banal puisse avoir autant de goût.
La guide nous explique que les plants de buchu mettent trois ans avant de pouvoir commencer à être récoltés. Au moment de la récolte, seulement un tiers des branches sont coupées sur les côtés pour permettre à la plante de continuer à pousser tout en récoltant un nombre suffisant de feuilles. Car tout l’intérêt du buchu réside dans ses petites feuilles. En regardant de plus près, il y a de petits points clairs sur chacune d’elles. Ce sont les réserves d’huile essentielle, là où sont stockés tous les super-pouvoirs de la plante.
Je mange une ou deux feuilles crues pour goûter. Je suis surprise. Les feuilles fraiches ont un gout frais d’eucalyptus, comme l’infusion, mais elles ont en plus un goût fruité de cassis que l’on ressent moins une fois séchées. C’est vraiment pas mauvais.
Ensuite, la guide nous explique qu’un des professeurs de l’Université de Stellenbosch travaillent avec Skimmelberg pour faire des recherches sur les propriétés du buchu. Les Khoisan, les premiers habitants de la région, utilisaient déjà cette plante en mélangeant les feuilles à de la graisse animale pour en faire un onguent à appliquer sur le ventre contre les problèmes de digestion.
Le buchu a plus tard a été classé plante médicinale par les anglais et les américains pour lutter contre les infections urinaires et autres maux. Elle est ensuite quelque peu tombée dans l’oubli jusqu’à ce qu’elle revienne progressivement à la mode et intéresse à nouveau les scientifiques.
J’aimerais tellement vous en dire plus, mais en même temps, il y a 90% de chances que vous soyez tombé sur cet article pour le rooibos donc on va se calmer avec la vie du buchu et passer à l’étape suivante. Je vous prépare un article complet sur le buchu pour bientôt si vous voulez en savoir plus sur les bienfaits de cette plante miracle…
Champ de rooibos
On remonte dans le minibus et on se rend cent mètres plus loin. Là, les buissons m’arrivent au niveau de la taille et les feuilles ont été remplacées par des épines. Je reconnais tout de suite le rooibos (on avait déjà fait connaissance dans la nature).
Tout comme le buchu, le rooibos ne paye pas de mine à première vue. Ses tiges sont vertes et elles sont en plus complètement inodores. Je me demande comment l’homme a pensé à récolter cette plante la première fois en se disant «Ca va être super bon séché et infusé dans de l’eau bouillante». Mais bon, passons.
Le rooibos n’est pas juste une plante endémique. C’est aussi une plante que l’homme n’a jamais réussi à faire pousser hors de sa région natale, le Cederberg. Même dans des régions du monde au climat similaire et avec toute la bonne volonté des agronomes, rien n’y fait. Ce serait dû à l’eau de pluie de printemps qui serait chargée en nutriments qu’on ne retrouve nulle-part ailleurs. Un grand mystère!
Dans le champ, je vois une rangée de rooibos et une rangée de blé s’alterner. La guide nous explique qu’un plant de rooibos vit environ 5 ans avant de mourir. Entre temps, ils laissent la terre se reposer et se recharger en nutriments pendant quelques années avant de replanter un nouveau plant. Pour éviter l’érosion des sols, ils plantent du blé pendant cette période. Le blé utilise d’autres nutriments et laisse tout ce dont le rooibos aura besoin pour pousser plus tard. Un beau travail d’équipe entre deux plantes.
A l’époque, les exploitants plantaient un champ entier de rooibos et en laissaient un autre au blé. Maintenant, un même champ alterne une rangée de chaque plante l’une après l’autre pour faciliter le passage des exploitants entre chaque pied et diversifier les sols. Pas bête!
Pour replanter de nouveaux plants, les graines de rooibos tombent normalement au sol et sont transportées par le vent. Les fourmis, friandes de ces graines, en transportent une partie dans leur nid et les stockent comme réserve. Les exploitations traditionnelles vont donc détruire des nids de fourmis afin de récolter les graines pour leurs plants futurs. Tout est entreposé au même endroit grâce au travail des fourmis. C’est la solution la plus facile, mais, cela implique la destruction de l’habitat de ces petites travailleuses.
A Skimmelberg, ils ont passé un deal avec les fourmis. Elles sont nécessaires à la bonne santé du sol, ce qui aide le rooibos à mieux pousser. En échange, les exploitants les laissent prendre une partie des graines et vivre en paix. Du coup, ils installent des filets sous la plante en période de dissémination pour récupérer les graines dont ils ont besoin. Le surplus tombe au sol pour les fourmis. Chacun prend ce dont il a besoin, et pas plus. J’ai trouvé cette technique très honorable car elle implique plus de travail pour les exploitants, uniquement par respect pour les fourmis.
Voilà pour la culture du rooibos. Si vous souhaitez en apprendre plus sur cette plante, je vous raconte tout dans mon article spécialement dédié au rooibos et ses bienfaits.
La pépinière
La visite a ensuite continué en direction de la pépinière, une petite serre où l’on plante des semences de buchu jusqu’à ce qu’elles atteignent une taille raisonnable d’environ dix-quinze centimètres avant d’être replantées dans les champs. Cela optimise les chances de survie.
Le compost à vers
Qui dit ferme biologique dit engrais naturel. Et niveau engrais, il y a l’option compost classique ou l’option du compost à vers. Skimmelberg a opté pour les vers. Ils ont donc construit quatre gros bacs à compost d’environ 2 mètres de côté chacun et les ont rempli de plein de choses que les vers aiment manger: des branches, des herbes, des épluchures, etc. Que des déchets verts produits par les exploitants.
Résultat: les vers vivent une vie de rêve à manger, dormir (ça dort un ver?), et faire caca. Assez similaire à une vie de chat tout compte fait.
Leurs excréments s’écoulent en bas de chaque bac sous forme de boue semblable à de la vase grisâtre (j’espère que vous n’étiez pas en train de manger en lisant cet article). Une fois les excréments de vers récupérés, ils sont dilués dans de l’eau et cela devient du compost top qualité. Merci les vers!
Lieu de séchage et de fermentation du rooibos
Après avoir vu les plantes dans leur espace naturel et les techniques utilisées pour faire pousser ces dernières, on passe à la partie suivante qui concerne la récolte et la transformation du produit jusqu’à ce qu’il arrive dans nos tasses. Cette fois, on commence avec le rooibos.
Après avoir coupé les branches du rooibos et les avoir emballées par motte, elles sont transportées jusqu’au lieu de séchage.
Dans un premier temps, les mottes sont battues sur une grille pour retirer les potentiels graviers et poussières, puis elles sont passées à la broyeuse pour les couper en tous petits morceaux (voir la photo ci-dessous). Ces morceaux sont ensuite répartis sur une large surface de béton en extérieur, protégée par des murets d’un mètre de haut histoire que le vent n’emporte pas toute la récolte (voir la seconde photo ci-dessous).
C’est à partir de ce moment que le rooibos vert et le rooibos rouge vont prendre un chemin différent. En soit, la plante est la même, seule la fermentation va différencier le produit. Le rooibos vert n’est pas fermenté. Après le broyage, il est directement réparti sur le béton en plein soleil et sèche en une journée. Il peut même sécher en 4 heures quand il fait très chaud.
Pour faire du rooibos rouge, la version la plus consommée, celui qui a le goût le plus fruité (mais aussi moins d’antioxydants), il va falloir le faire fermenter avant le séchage. Comment? En faisant un tas sur le béton, en l’arrosant d’eau, puis en roulant dessus avec un tracteur, le tout à plusieurs reprises.
Après cette étape plutôt bizarre, il est réparti au sol et séché au soleil, comme on l’a vu avec le rooibos vert.
J’ai demandé à la guide si le fait de sécher le rooibos en extérieur ne comprenait pas quelques risques. Elle m’a dit que non. Le rooibos est une plante qu’aucun animal de la région n’aime manger, donc aucun risque que les oiseaux ou les insectes viennent squatter pendant qu’il sèche.
Après avoir été séché, le rooibos est presque prêt. Il est transporté dans une usine pour être désinfecté et propre à la consommation, puis transporté jusqu’au Cap dans une entreprise qui s’occupe de la mise en sachets comme on le trouve dans le commerce. Voila pour la belle histoire du rooibos.
Distillation du buchu pour faire de l’huile essentielle
Après avoir récolté les branches de buchu, une partie de la récolte va être séchée pour être vendue comme infusion, une autre partie va être distillée pour en extraire l’huile essentielle.
Le séchage des feuilles de buchu n’est pas aussi simple que pour le rooibos qui a juste besoin de soleil. Les feuilles étant gorgées d’huile, elles mettent beaucoup de temps à sécher et finissent par pourrir. Skimmelberg a donc opté pour un séchage rapide utilisant des machines industrielles dans un hangar où le niveau d’humidité est hautement contrôlé. De cette manière, on obtient une tisane top qualité.
Pour l’huile essentielle, c’est une toute autre histoire. Un second hangar est dédié à ce produit (voir la photo ci-dessous). Au moment où l’on entre dans le hangar, une fraiche odeur de buchu envahit nos narines, comme quand quelqu’un s’applique du Vicks à côté de vous. Ce qui est dingue, c’est qu’on n’est pas du tout en période de récolte. La dernière distillation a dû avoir lieu des mois plus tôt. Je n’imagine même pas l’intensité de l’odeur quand on entrepose une tonne de feuilles fraiches. Enfin bon, vous l’avez compris, le buchu sent fort. Passons.
La guide nous explique que les feuilles fraiches sont insérées dans la presse et distillées par un système assez complexe que je serai incapable de vous expliquer (le principe de la distillation). Il faut cinquante kilos de feuilles pour faire un litre d’huile essentielle. Pour donner une idée, la cuve que vous voyez sur la photo, une fois remplie de feuilles, produit seulement un litre d’huile. C’est une des raisons pour lesquelles l’huile essentielle de buchu coûte cher. En revanche, une simple goutte d’huile est particulièrement concentrée. Vous en aurez donc pour votre argent.
Je vous parlerai des utilisations possibles de ce produit dans mon article dédié au buchu et ses bienfaits.
La dégustation
Après avoir vu toutes ces belles choses, le moment tant attendu de la dégustation arriva. Nous nous sommes rendues dans la salle de dégustation où 7 jolies théières en verre nous attendaient. Devant chacune d’elles, il y avait le nom du produit.
Voici les tisanes que nous avons dégustées, toutes aussi délicates les unes que les autres:
- Rooibos rouge
- Rooibos vert
- Rooibos-buchu
- Rooibos vert earl grey
- Rooibos et camomille (infusion du soir ou pour les enfants)
- Buchu
- Buchu-menthe
La boutique
Juste à côté de la salle de dégustation se trouve la boutique. Cela va sans dire que j’aurais voulu tout acheter, mais la raison (et peut-être aussi la pensée d’un appel de mon banquier) m’a obligé à faire un choix.
La boutique propose des paquets de tisane de 20 sachets comprenant tous les mélanges que nous avons goûtés. Tous les produits sont au minimum 20 rands (1 euro) moins chers que dans les commerces du Cap. Ça vaut vraiment le coup.
Vous pourrez aussi opter pour la version en vrac du rooibos et du buchu vendue en paquets de 250 grammes si vous voulez faire du stock.
On trouve aussi quelques produits cosmétiques comme des pains de savon au rooibos et miel, des baumes à lèvres faits maison à base de buchu, etc.
Bilan de la visite
J’ai été conquise! Je voulais visiter une exploitation de rooibos depuis mon arrivée au Cap pour voir comment une de mes tisanes préférées est produite. Résultat: j’ai aussi appris plein de choses sur le buchu et je suis repartie avec un stock de tisanes digne de ce nom.
Si vous comprenez l’anglais, foncez! Cette visite vaut vraiment le coup. Si vous ne comprenez pas l’anglais, vous pouvez quand même tenter l’expérience ne serait-ce que pour profiter des paysages et voir ces deux plantes dans leur espace naturel. Sinon, si vous passez dans le coin, rien ne vous empêche de faire un petit détour par la ferme pour vous ravitailler en tisanes bios en achetant directement au producteur.
Voilà. Vous savez tout sur la production de rooibos et de buchu biologiques. Si vous avez encore un peu de temps, il y a plein de belles choses à voir sur la côte ouest sud-africaine.
bonjour Fanny
Super ton article, que j’ai lu en entier
Debut mars je fais mon voyage annuel en afrique du sud et pour la 1ere fois dans l’ouest
Je suis un fan de rooibos, et le buchu m’intéresse
Sur le site de skimmerlberg, il y a 2 type de buchu, le normal et le wild harvest plus cher
Je compte ramener 1kg de buchu en vrac
Que me conseillerait tu ?
Je mets mon whatsapp xxxxxxxxxx
Tu es organisatrice de voyage
On pourrait prendre contact pour mes prochains sejours
Quel est ton agence de voyages ?
cordialement
daniel
Bonjour Daniel,
J’espère que ton voyage sur la côte ouest te plaira (je ne me fais pas trop de soucis pour ça). 😉
Si tu vas à Skimmelberg, tu auras l’occasion de déguster le buchu et le rooibos wild harvest et décider par toi-même ce que tu préfères. Si ce n’étais que moi, je choisirais les deux. Le rooibos earl grey est aussi délicieux.
Je ne travaille malheureusement plus en Afrique du Sud depuis presque 2 ans. Je vis maintenant aux Pays-Bas.
Profite bien de ton voyage. 🙂
tres bon article, moi qui ne bois que rooibos je suis tenté par le buchu
Coucou Fany, c’est super bien écrit. Merci pour ce partage ! bisous
Contente que l’article t’ai plu! Merci d’être toujours aussi fidèle au poste. 🙂